Le plus célèbre fut Édouard Alfred MARTEL (1859/1938), qui explora un nombre astronomique de cavités (on parle de 4000) en France et dans le monde, et posa les jalons de la spéléologie scientifique; il expliqua entre autre le rôle primordial de l'eau dans la genèse des réseaux souterrains.
Histoire de la Spéléo
A l'origine, la spéléologie était une discipline scientifique, pratiquée parfois par des messieurs très dignes, en costume trois pièces, portant barbe et lorgnon. Ils parcouraient le pays, interrogeant les paysans, les bergers, les autorités à la recherche de grottes, de résurgences, de gouffres...
Bien souvent, on trouvait aussi parmi ces pionniers quelque abbé athlétique, féru de science et d'histoire naturelle, fin connaisseur de son terroir, bref un curé comme les décrivait Pagnol. Les chauves souris de l'époque ont donc vu défiler ces précurseurs, en costume, en soutane, ou a poil, coiffés d'un chapeau, d'un béret ou d'un casque de 14, utilisant les accessoires les plus invraisemblables pour descendre les puits et franchir les obstacles.
Avec ces moyens ridicules, ils ont réalisé de très belles explorations, expliqué dans les grandes lignes la formation des réseaux souterrains, découvert de nombreuses grottes ornées Après-guerre (la deuxième), vint le temps des expéditions lourdes : la Henne Morte, le gouffre Lepineux (Pierre Saint Martin), Le Berger, qui furent parmi les gouffres les plus profonds connus au monde furent découverts ainsi, avec des expéditions de plusieurs jours, des portages souterrains interminables, des bivouacs à grande profondeur, des équipes nombreuses échelonnées tout au long de la progression, préparant le terrain à une équipe de pointe chargée de l'ultime assaut. La spéléologie était aussi devenue un sport.
Dans les années 60, les techniques de progression sur corde simple se généralisent, et permettent d'alléger considérablement les expéditions, et d'améliorer la sécurité.
Un des précurseurs de cette révolution est Pierre CHEVALIER, qui explore la Dent de Crolles depuis les années 40. C'est lui également qui pressent l'importance du courant d'air comme indice spéléologique.
Aujourd'hui, les fibres synthétiques permettent de fabriquer des vêtements étanches et solides, des sous-vêtements chauds, des cordes plus légères et plus résistantes : ce n'est pas encore le grand confort, mais la condition du spéléo s'améliore ainsi que sa sécurité, et que le poids de son sac.
De nos jours, la spéléo est en général considérée d'abord comme un sport : on la pratique pour le plaisir d'être au contact (parfois très rapproché...) de la nature, pour la sensation sportive, pour le dépassement de soi... Mais nous n'avons pas tout oublié de notre passé scientifique : toute nouvelle cavité est topographiée, publiée, on observe sa structure, ses creusements, son aérologie (courants d'air) et son hydrologie (circulations d'eau) afin de comprendre le fonctionnement du massif où elle se trouve.
Et aussi, la spéléo reste une belle histoire de groupe, un sport individuel qui se pratique en équipe, où la solidarité est obligatoire. Une passion qui s'attrape comme un virus, malgré les galères, les fatigues, qui nous fait hurler sous terre "mais qu'est-ce que je fous là ?", et le soir même "bon, il faudra revenir dimanche prochain pour voir la suite".
Techniques anciennes
Escalade au mat, technique "Banzaï"
Sans assurance, sans casque, sans éclairage, avec brodequins ferrés. On ne saurait être sûr que ce spéléo des temps héroïques soit arrivé en haut de sa perche. En tout cas, on espère que ça valait le coup !
Escalade par l'équipe de P. Chevalier à la Dent de Crolles
Mât + échelles souples et corde d'assurance. La technique a progressé, mais l'équipement individuel reste sommaire. Il faut toujours une sacrée condition physique et un certain courage pour ce type d'escalade.
Pierre CHEVALIER
De gauche à droite : Charly Petit-Didier (?), Edmond Petzl (?), Pierre Chevalier, Fernand Petz.
Pierre CHEVALIER (ici avec les mains dans les poches, au milieu de son équipe) a contribué aux progrès de la spéléo par son apport des techniques alpines (techniques d'assurance et de rappel, escalade artificielle, équipes légères et polyvalentes...), son œil de scientifique (explication des mécanismes de creusement en régime noyé, à partir de ses observations du réseau de la Dent de Crolles) et ses connaissances techniques (il a fait fabriquer par son employeur -Rhodiacéta- les premières cordes synthétiques françaises avec une âme nylon entourée d'une gaine tressée, qui ont supplanté les anciennes cordes -putrescibles- de chanvre).
Son nom est resté attaché à l'exploration du réseau de la Dent de Crolles (Isère), qui fut en son temps le réseau le plus profond du monde (-603 m pour 17 km de réseau en 1947). Ces explorations ont été menées entre 1935 et 1947, dans des conditions extrêmement difficiles surtout pendant la guerre et l'immédiat après-guerre où tout manquait, des moyens de transports aux piles en passant par tout l'équipement personnel et collectif. Ces années de débrouille, d'acharnement et de découverte sont relatées dans son livre "Escalades souterraines". Parmi ses coéquipiers, le plus acharné et celui dont il fut sans doute le plus proche(*) était Fernand Petzl.
(*) : Hormis sa femme, Elisabeth Chevalier, qui prit aussi part à quelque-unes de ces rudes explorations.
Traversée du puits de la Vire (réseau de la dent de Crolles)
Une colonne de glace dans la grotte Chevalier (dent de Crolles)
Pierre CHEVALIER fut le premier breveté de l'EFS (École Française de Spéléologie, émanation de la Fédération Française de Spéléologie qui était toute jeune elle aussi). Il a été membre fondateur du Spéléo Club de Paris (1936) et membre fondateur du Spéléo Club de Lyon (1935), avec lequel il mènera les explorations de la Dent de Crolles. Président de la Société Spéléologique de France (ancêtre de la fédération actuelle), et... président d'honneur du Spéléo Club de Vienne !
Photos de l'exploration de Pierre Chevalier en 1940 à la dent de Crolles
(Photos aimablement prêtées par Pierre Chevalier, il y a quelques années.)