Aven des Neuf Gorges

Participants : Xavier, Andrea, Damien, Vincent, Bruce (David et Florian)

Lieu : Le Garn (Gard)

Date : 07/06/2025

T.P.S.T : 7h

Ecrit par : Damien

Tout a commencé un mardi de juin, le 3 exactement.

Le ciel était sans éclat, mais l’esprit, lui, était déjà ailleurs — tourné vers les profondeurs.

Je me rendais au club, ce lieu un peu secret où l’on prépare des voyages que peu de gens soupçonnent. Le président m’attendait.

Nous trions une commande fraîchement arrivée : chaussettes, baudriers, culottes chauffantes, et toute une quincaillerie étrange, familière, essentielle.

C’est là, dans ce désordre organisé, que l’on prépare les aventures souterraines.

Aucune sortie n’était encore prévue. Notre président m’évoque une petite session de ramping avec des enfants — une initiation douce à la spéléologie.

Mais le soir venu, dans une atmosphère de météo chagrine, notre guerrier Xavier sort de son silence une surprise : une expédition à l’Aven des Neuf Gorges.

Ce nom seul semblait déjà promettre mystère.

Je consulte la topo — fait rare ! — et y découvre un point à -124 mètres.

Cela me paraît abordable. Je me propose, prêt à suivre quiconque acceptera ma compagnie.

Les compagnons se révèlent vite. Le Marchand de Lave, fidèle et ardent. La Taupe Experte, dont les cordes n’ont plus de secrets. Monsieur Cailloux, chercheur d’or et d’échos anciens. Et, peut-être, un Jurassien amateur de fromages…

Mais le sort joue parfois avec le lactose : nous ne serons que cinq. Une voiture suffira.

Le président absent, le timing devrait se tenir. Nous fixons le départ à 7h30, chez Monsieur Cailloux.

Le 7 juin, à l’aube.

À 7h00, je récupère le Marchand de Lave, fidèle au rendez-vous.

Cinq minutes plus tard, la Taupe Minière embarque.

À 7h30 précises, nous arrivons chez Monsieur Cailloux. Miracle : avant même notre guide guerrier.

Je prends le volant. Direction Pont-Saint-Esprit. Une pause gastronomique, brève mais joyeuse, avant les choses sérieuses.

La route vers l’aven est belle, poussiéreuse, presque hors du monde.

Nous n’avons pas de 4x4, mais qu’importe. La voiture se faufile… jusqu’à ce que les arbres menacent sa peinture.

Monsieur Cailloux préfère préserver la carrosserie : nous marcherons.

Les combinaisons sont neuves pour certains, fraîchement lavées pour d’autres.

Photo rituelle. Puis, nous nous enfonçons dans une forêt classée Natura 2000. Quinze minutes de marche, et déjà le monde change.

Un appel, soudain. C’est le président. Il veut savoir si tout va bien, s’assurer que la cloche de sécurité est en place. Une première : un contact téléphonique, comme une main tendue depuis la surface.

Enfin, le gouffre. L’aven.

Il s’ouvre devant nous comme une mâchoire, profonde et noire, avalant la lumière.

Un puits de 30 à 50 mètres, vertigineux, attirant.

Nous sommes cinq. Quatre sacs de cordes, un sac de survie.

La Taupe Minière commence à équiper la descente. Elle tisse, patiemment, notre fil d’Ariane.

Le Marchand de Lave s’aperçoit qu’il a oublié ses gants : demi-tour.

Monsieur Cailloux devient le second équipeur, doublant les cordes pour assurer notre retour.

Quant à moi, je m’applique. Je montre à Xavier que je sais, enfin, faire un nœud de huit. Un an d’efforts pour ce geste, enfin maîtrisé.

Il me montre d’autres nœuds, des secrets de corde… Il me faudra une vie pour tous les retenir.

Et puis, vient le moment. On me désigne pour descendre en premier.

Je ne m’y attendais pas.

C’est ma corde que l’on teste. Ou plutôt celle de la Taupe.

J’aurais préféré passer en dernier… Mais le vide appelle, irrésistible.

Je m’attache, me suspends entre deux arbres, m’élance dans le néant.

Le départ est toujours brutal. Mais une fois lancé, je glisse doucement, calmement.

Le Marchand de Lave descend à son tour.

Plus bas, à -100 mètres, la corde manque.

Je lance un sac. Puis un autre. La progression reprend.

Après quatre heures de descente, une salle immense se dévoile. Elle semble sculptée par le temps lui-même.

Il est 15h. L’estomac grogne.

Monsieur Cailloux s’éloigne et parle seul. Puis… des voix. Des pas. Des ombres.

Deux silhouettes apparaissent, aussi fraîches que si elles venaient de prendre un café.

Deux spéléos ? Des inconnus ?

Non. Deux fantômes bien réels : notre président et Junior !

Ils ont attendu que tout soit prêt, puis se sont lancés, filant sur nos cordes comme des lucioles pressées.

En moins de dix minutes, ils nous ont rejoints. Sourires complices, regards surpris, embrassades muettes.

Quelques photos, des rires, et déjà, le retour s’annonce.

La fatigue ne nous atteint pas encore.

Je choisis un rythme soutenu, pour me jauger.

Les experts chronomètrent : 100 mètres en 1h15. Honorable.

Je sors de la grotte plus riche que je n’y suis entré.

Une corde de plus tressée dans ma mémoire. Une histoire gravée sous terre.

Merci pour cette belle aventure !