Gouffre d’Antona
Participants : Vincent, Damien, Xavier
Lieu : Bohas-Meyriat-Rignat (Ain)
Date : 01/11/2025
Ecrit par : Damien & Vincent
Localisation
Entrée du gouffre d’Antona :
commune de Bohas-Meyriat-Rignat (01250) Ain
UTM 31T : X = 686 049 m Y = 5110 362 m
WGS84 : Longitude Est 46,1215° Latitude Nord 5,4081°
Point de stationnement (WGS84) : Longitude Est 46,1265° Latitude Nord 5,4014°

Mission : Gouffre d’Antona – Les Trois Mousquetons
Nous étions trois courageux (ou inconscients) pour affronter le gouffre d’Antona, planqué à Bohas-Meyriat-Rignat, dans l’Ain. Une expédition annoncée comme « aérienne » … autrement dit : beaucoup de vide, peu de sol.
Vincent, alias Monsieur Caillou, notre équipeur officiel, le gars qui aime les nœuds et les arbres douteux. C’est la première fois qu’il prend en charge l’équipement d’une sortie souterraine.
Damien, surnommé le Dromadaire, porteur de sacs professionnel (et râleur à ses heures).
Xavier, dit le Chef de bande, veille au grain et au moral des troupes… surtout à l’heure de l’apéro. Il posera un regard expérimenté sur l’équipement réalisé par Vincent et pourvoira avec générosité quelques pâtisseries gourmandes.
Préparatifs express
Le covoiturage depuis Clonas-Sur-Varèze et Vienne est décidé dans la semaine qui précède le samedi 1er novembre. On programme également la préparation du matériel, le matin même de la sortie, au local du club à partir de 07h30. Les fiches d’équipements sont préalablement étudiées par Xavier et Vincent au cours de la semaine afin d’être efficace le samedi matin.

Arrivés au local samedi matin, on prépare — dans un élan de motivation fulgurante — les trois kits de cordes, mousquetons, dyneema, etc. Certaines longueurs de corde du club n’étant plus d’usage, le matériel sélectionné diffère de celui initialement programmé sur les fiches d’équipement. On choisit donc avec quelques tergiversations les longueurs de corde disponibles en fonction des besoins. Finalement seul bémol : les cordes sont sèches, elles seront plus difficiles à nouer et il faudra modérer la vitesse de descente pour éviter les échauffements.
Départ du local à 08h00, arrivée à 09h30 sur site. On s’habille et on grignote les pâtisseries apportées par Xavier. Damien se fait piquer par une ortie, ça commence fort, dignité légèrement atteinte mais sans aucune gravité.
Approche et installation
Après quelques centaines de mètres de marche d’approche, un chasseur amical nous indique le chemin. Le GPS employé par Vincent confirme les indications du chasseur et nous arrivons sans tarder à l’entrée du gouffre située au pied d’un bosquet de gros chênes et protégée par un grillage.
L’arbre penché censé tenir la première corde, a l’air aussi solide qu’une biscotte trempée : il est sécurisé par une élingue attachée sur un autre arbre pour éviter qu’il ne tombe dans le gouffre. Mort depuis quelques temps, il perd son écorce et apparait grignoté par les champignons xylophages, tôt ou tard il faudra l’abattre pour éviter tout risque d’accident. Mais pour le moment il résiste encore bien et permet d’équiper la tête du premier puits après avoir amarré la corde sur un arbre adjacent qui lui est bien vivant et vigoureux. Le risque est donc mesuré.
Le cas de cet équipement sur des arbres ne s’étant jamais présenté lors des entrainements en salle d’escalade, Vincent reste perplexe, mais Xavier le guide dans cet exercice finalement relativement simple. Avant de se pencher sur le puits d’entrée, Vincent commence par un nœud de cabestan sur un arbre vigoureux à l’écart du vide, puis assuré sur cet amarrage robuste, Xavier montre la démarche à suivre. Au-dessus du puits d’entrée, Vincent réalise donc, avec l’aide de Xavier, un nœud de chaise double maintenu par deux sangles enroulées autour de l’arbre penché. Le raccordement entre les sangles et le nœud de chaise double se fait par l’intermédiaire de simples « têtes d’alouettes ».
Descente dans le vide
34 mètres de descente pour commencer, histoire de se mettre dans le bain (sans eau, heureusement). Ensuite une petite escalade de 9 mètres déjà équipée (corde fixe) pour atteindre un second puits de 28 mètres. Au bas de ce deuxième puits, on s’arrête devant une lucarne dont l’équipement n’est pas évident. Monsieur Caillou ouvre la voie, tête la première dans le vide. Logique.
L’équipement de la zone de la lucarne s’avère effectivement problématique, autant en amont qu’en aval de cette étroiture. De nombreux points d’amarrage naturels et artificiels laissent Vincent hésitant devant les choix possibles. En amont de la lucarne, Vincent noue une main courante sur plusieurs points d’amarrage, stratégie peu judicieuse car elle impose une petite escalade périlleuse, alors qu’un pendulaire aurait réduit le nombre de nœuds à réaliser et évité l’escalade délicate. Xavier intervient donc pour corriger l’équipement de Vincent qui s’avère inutilement chargé en amont de la lucarne et au contraire insuffisant en aval de l’étroiture.
Xavier rajoutera également un nœud demi-cabestan sur la plupart des déviations posées par Vincent qui progresse en tête avec persévérance.
Damien suit, façon spéléo de l’extrême (ou kamikaze débutant). Il assure le portage du troisième kit de cordes, avec le bidon de casse-croute et l’eau.
Notre équipe franchit encore deux ressauts et un puits de 20 mètres dont l’encordement fait à nouveau tergiverser tant les solutions d’équipement sont multiples. Finalement la faim et la fatigue se font sentir, alors que l’heure buttoir de demi-tour est toute proche, on s’arrête donc au bas de l’avant-dernier puits de 20 mètres — paraît que le dernier puits n’a pas beaucoup d’intérêt. Très bien, l’équipe semble satisfaite voire même soulagée.


Pause casse-croûte et selfies
Petit casse-croûte dans le noir total. On savoure le moment, on fait quelques photos floues (mais héroïques).
Xavier interroge Monsieur Caillou sur de curieuses traces roses qui ponctuent les parois calcaires. Il s’agit a priori de terriers fossilisées (bioturbations) soulignés par des concentrations d’oxyde de fer de teinte rose. On en profite pour évoquer le fait que les parois rocheuses soumises aux agents atmosphériques et météoriques (télogénèse) présentent des teintes blanc cassé à beige avec diverses variations orangées et ponctuations rose à violet qui résultent de l’oxydation du fer contenu dans la roche superficielle. En revanche, un forage de quelques décimètres dans la masse calcaire pourrait révéler une roche préservée de l’oxydation atmosphérique avec une teinte plus blanche voire gris-pâle et des ponctuations verdâtres témoignant d’un état du fer réduit.
De nombreuses géodes d’envergure centimétrique à décimétrique affleurent également dans les parois rocheuses du puits, elles sont tapissées de cristaux pluri-millimétriques de calcite translucide. Bien que l’altération liée à l’évolution naturelle du milieu karstique ait dégradé l’esthétique des cristaux de calcite, la présence des géodes soulève d’intéressante questions sur la transformation des sédiments en roche calcaire au cours des temps géologiques (diagenèse, maturation des matières organiques, circulation et piégeage des eaux et gaz dans le massif rocheux, cristallisations minérales, etc.)
Puis vient l’heure de la remontée : deux heures de sport gratuit avec les sacs, les cordes, et un soupçon de jurons.
Vincent profite de cet effort pour finir d’évacuer le stress emmagasiné durant l’équipement à la descente. C’est aussi l’occasion de scruter attentivement les correctifs apportés par Xavier.
Xavier prend en charge l’ensemble du déséquipement jusqu’à la sortie du gouffre.


Retour à la surface
La lucarne se passe cette fois pieds devant, histoire de varier les plaisirs.
En sortant, le soleil se couche, les chauves-souris se réveillent — ambiance magique !
Nous remontons les trois kits laissés au bas du P34 grâce à un système digne d’un chantier naval aménagé par Xavier à l’aide d’une poulie-trac. Damien encore vigoureux compense les dernières ressources physiques de Vincent.
Sur le chemin du retour à la voiture nous récupérons les pâtisseries planquées par Xavier dernière un arbre bien choisi, de quoi reprendre quelques calories bien méritées.
Fin d’expédition
Mission accomplie : trois spéléos, zéro perte humaine, juste quelques courbatures et une ortie vengeresse.
Monsieur Caillou a équipé correctement sous réserve de quelques points délicats perfectibles, Xavier a supervisé avec brio l’ensemble de la sortie et corrigé les amarrages nécessitant plus de sécurité, et le Dromadaire a prouvé que le portage, c’est un art.
De retour au local, un apéritif bien mérité nous attend. Parce qu’après tout, dans « spéléologie », il y a surtout « logique » : descendre, galérer, remonter… et boire un coup !
