Une descente aux Eymards un jour de beau temps.
Participants : David & Florian Boutonnet, Vincent & William Blanchard, Antoine Gaillard, Célestine Desoeurbrun
Lieu : Grotte des Eymards (Lans-en-Vercors / Massif du Vercors)
Date : 18/01/25
T.P.S.T : 5h30
Tout commença à Villette de Vienne lors d’une soirée d’hivernale sur fond d’air frais, où les températures avoisinèrent les négatives. Autour d’un grand brasero, organisé de manière traditionnelle chez les Boutonnets, l’idée d’une aventure vers les terres glaciales du Vercors, émergea pour le Club de Speleo de Vienne. A leurs habitudes, les membres du club ne s’aventurent guère en terres froides à cette période de l’année, préférant les températures tropicales de l’Ardèche ou du Gard (à mon grand désespoir). Néanmoins, la chaleur du feu qui crépitait à cet instant, réchauffa les cœurs et les corps. Le grand chef David Boutonnet évoqua la possibilité de venir visiter la grotte des Eymards afin de permettre aux jeunes recrues du club une sortie classique, ludique, et (à priori) peu engageante. Cette idée réjouie instantanément la jeune Vertacomicorienne que je fus. La grotte ne se trouvant qu’à 10 minutes de ma nouvelle habitation. J’indiqua donc à David la forte possibilité (et l’envie débordante) de rejoindre mon ancien club, celui m’ayant formé à la discipline des descentes souterraines. Un an auparavant, je descendais dans les abysses de la grotte des Eymards pour en apprendre les premiers rudiments de l’équipement. Aux yeux de David, à côté des oreilles embrumées (de fumée) de Damien C, Vincent B, Xavier A et Andrea (présents au moment des faits), je deviens la parfaite guide des lieux. C’était sans surprise, que je ne me souvenais des Eymards uniquement via le souvenir du parking et vaguement du réseau...
Des retrouvailles furent donc convenues à 9h00 le samedi 18/01/25. Tandis que les membres du club se donnèrent rendez-vous un à un aux alentours de 7h00-7h30 dans des contrées iséroises lointaines, j’émergea de mon lit à 8h00 pour les retrouver autour de pains au chocolat à l’horaire du rendez-vous. Quelle joie de jouer à domicile. L’objectif n’eut pas été fixé de manière similaire pour tous. Ainsi, je souhaitais mener à bien ma tâche : l’émerveillement souterrain aux côtés de mes compères, tandis que David, avait-lui, en tête que je les conduirai sans embûche dans le réseau (qu’il pensait que je connaissais par cœur).
En ce matin de janvier, le parking des Eymards nous présenta son fin manteau blanc, traduisant la fonte des neiges bien amorcée, après l’épisode de blanc immaculé des vacances scolaires. On notera que le niveau d’enneigement du Vercors du mois de décembre, rentra dans les archives communales de Lans-En-Vercors. 70 à 90 cm tombés en 2 jours, un enneigement particulièrement impressionnant en 2024, pour un plateau culminant à 1000 m. Avec des nouvelles du fameux réchauffement climatique d’origine anthropique, toujours plus alarmantes les unes que les autres, ni la municipalité, ni les agents communaux, les vertacomicoriens ainsi que les voyageurs de saison ne s’attendaient à revoir de la neige fraîche sur les pistes de la station de ski de Tony Parker (située à quelques kilomètres de là), ni à devoir déneiger jours et nuits le plateau pour espérer rétablir un trafic routier plus que ralenti. Au moment où les membres du SCV pénétrèrent les lieux, il n’en resta pour autant que de maigres indices de cette chute de neige historique. Seuls les stalactites et la glace (photo 1) qui ornèrent l’entrée de la grotte des Eymards, traduisaient encore les températures extrêmement fraîches s’abattant ici-bas (-10 à -15°C par nuit). Par chance, le soleil fut au rendez-vous permettant un équipement individuel à des températures soutenables (photo 2).
Photo 1 : Stalactites-mites de bienvenue
Photo 2 : équipe en combinaisons, marchant vers l’entrée de la grotte des Eymards. Au loin, le massif de la Chartreuse et la reconnaissable Pinéa.
Une fois passés les stalactites, la grotte des Eymards s’offra à nous comme suit :
Entrée par un court boyau, nécessitant d’avancer cahin-caha à genoux, tirant ou poussant son kit en fonction de la technique pratiquée;
Première progression sur cordes au niveau des obstacles. Ici deux alternatives possibles, qui scinderont l’équipe en 2 : David/Célestine/Antoine à l’équipement du ressaut de 6 m (R6 à gauche). Vincent/William/Florian/David (oui, le même David, partout) progressant via la vire menant à un P8 (à droite), déjà équipé en cordes fixes, disponibles à cette époque (pour combien de temps?).
Dès les premiers obstacles, je me concentra sur l’équipement par l’installation d’un amarrage irréprochable (un petit chaise double raccordé par nœuds plats dans des AN) tandis qu’Antoine pris le relais pour le ressaut (pour la dév + l’équipement du petit puits), tout cela sous l’œil observateur de David. La grotte étant facile d’accès, de nombreux spéléos s’y promènent depuis des années et nombreuses sont les possibilités d’équipements (spits, AF, AN). Tous les goûts pourront être ravis et chacun pourra y exprimer sa créativité en termes d’équipement. De quoi avoir un court différent à chaque sortie en fonction de son formateur...Petite grotte mais plaisir infinie.
Consciencieux de faire (et faire bien), cette partie de la progression nous occupâmes un certain temps avant de descendre les ressauts (photo 3).
Photo 3 : Descente en parallèle du R6 (Antoine) et du P8 (Célestine) sous l’oeil de David (frontale visible)
Nous fûmes ensuite pressés d’avancer afin que le reste de l’équipe ne prennent pas froid. Le premier puit ayant été réussi avec brio par William, dans sa tenue orange flamboyante, nous étions confiants pour la descente du P30. A ce moment de la progression, les 6 membres de la cordée souterraine se trouvèrent dans une petite salle offrant plusieurs départs : l’un souterrain, nécessitant de se faufiler dans une étroiture (pas d’indication connue sur l’équipement mais il semblerait y avoir un P3 un fractionnement puis un P20, à confirmer auprès d’autres clubs). Nous optâmes donc pour le court méandre de droite (montant légèrement) et menant droit au P30 (voie classique).
Descente gazeuse du P30
Deux cordes furent installées en parallèle pour descendre le fameux puit (avec 1 frac à la clé sur chacune des cordes après 15 m). Vincent s’engouffra le premier vers les abysses de ce puit large et gazeux. David, Florian & Vincent s’occupèrent de sécuriser les lieux tandis que Antoine et moi-même refaisions le monde (radio Célestine toujours en activité). A quoi était donc occupé William durant ce laps de temps ? Bravant toutes ses émotions comme un guerrier, William se montrait d’un calme absolu. Aucun puit ne le surpris. Les activités des adultes le dépassait. William était, quant à lui, concentré à une autre tâche créative bien plus importante : la confection d’un bonhomme de terre et d’argile. Aucune photo ne fut prise de la représentation. Il conviendra donc à toutes les personnes s’aventurant dans les Eymards, de le trouver et d’envoyer une photo au club à chaque passage afin de comprendre les étapes de la survie de ce bonhomme dans un environ clos et sombre. Tout ceci... pour le plaisir des avancées scientifiques en termes d’effet de confinement sur l’homme (de terre). Qui sait? Peut-être qu’il figurera dans les prochaines livres d’histoires expliquant le passage de l’homo sapiens du XXIème siècle dans les environnements karstiques. William as-tu signé l’œuvre ?
Revenons-en au P30, avant la prochaine découverte du bonhomme de terre relayée au musée d’Histoire Naturelles de Paris. Il est à noter une grande vigilance au niveau du fractionnement du P30. A la remontée, David se retrouva bloqué par une longueur de corde insuffisante pour effectuer ses doubles clés. La raison ? La longueur de corde fut belle et bien suffisante à la réalisation de cette technique. En revanche, la géométrie de la paroi en décida autrement. La corde vaint se bloquer sous un bloc de calcaire. Cet endroit requière donc une petite attention certes mais une attention tout de même pour éviter le blocage non souhaité d’un membre de l’équipe. Aucun cri alarmant, aucune autre suggestion n’arriva jusqu’à nos oreilles lors de la descente du puit, signifiant que chacun apprécia le moment où il se retrouva littéralement pendu dans le vide. Mes souvenirs de la cavité étant vague, j’avais très certainement parlé d’un puit facile à arpenter. David ne fut pas de cet avis à la vision du pendulaire qu’il fallait effectuer plein gaz sur 15 m jusqu’au fractionnement (photo 4). Heureusement, celui-ci fut plus spectaculaire que difficile, le volume du P30 étant sublimé par l’utilisation de nos frontales Armytex. William s’en sorti haut la main! Quel champion! Merci à David pour son accompagnement toutes épreuves. Il n’est pas difficile de ressentir le comportement paternel de notre président de club, toujours prêt à satisfaire les membres de son aventure.
Photo 4 : Descente du P30, changement de brin de corde au niveau du fractionnement (Antoine)
Progression sur cordes fixes avec alternances d’escalades successives après le passage de ce qui s’appelle “La Méduse”
Un bilan fut dressé en bas du P30 : où aller ensuite ? La topo disponible n’étant pas très précise, nous nous retrouvâmes rapidement face à une décorrélation entre nos observations et la coupe topographique disponible. Plusieurs cordes étaient tirées au fil de la progression, tantôt remontant (pour une corde orange flambant neuve), tantôt descendant vers d’autres ouvertures. Nous décidâmes d’avancer de pair et l’équipe me suivi (aveuglement). Des questionnements existentiels arrivèrent jusqu’à mes oreilles durant cette période de questionnement. Deux géologues se renvoyèrent des questions usuelles relatives à la formation de la grotte “Penses-tu à une couche de surface traduisant une fluctuation du niveau aqueux ou alors une couche argileuse profonde sédimentaire spécifique du quaternaire ?”. Des questions cristallochimiques furent également évoquées “Serait-ce de la calcite rhombohédrique ou bien hexagonale ?”. Qui croit encore que nous sortons pour le fun sous terre ? Ici on parle bel et bien de sciences à toutes épreuves!
Photo 5 : Photo de la Méduse, indice d’accès
Afin d’accéder à la salle du Mont Blanc (indiquée comme salle supérieure dans la topo trouvée par David), graal d’une sortie aux Eymard, la progression la plus simple fut de se diriger vers “La Méduse” (photo 5), ouvrant la voie vers une grosse concrétion calcaire large de type tobogan qui s’escalade sur une hauteur de 2m sans corde (avec quelques pas d’escalade et l’utilisation de son fessier comme appui pour être en opposition au besoin). Afin diminuer le risque, une corde fut installée, permettant de monter aisément à l’aide d’une poignée jumar (photo 6).
Photo 6 : William dans la montée de l’escalade assistée sur corde (corde posée par nos soins ou plutôt ceux de David)
Une alternance de petits ressauts sur cordes fut ensuite trouvée (déjà équipée) pour faciliter la progression. L’eau ruissellera par endroit. David nous fera d’ailleurs remarquer que le débit d’entrée fut diffèrent de celui de sortie (quid d’une corrélation avec la fonte du manteau neigeux sous le soleil de la journée?). Une ultime descente d’un P4-6 (photo 7) nous mena à la fameuse salle du Mont Blanc, départ d’une multitude d’autres aventures courtes. David décidera de faire demi-tour avec William pour entamer la remontée sur corde à cet endroit. Il laissera 20 minutes d’autonomie au reste du groupe pour aller explorer les lieux.
Cette sortie classique, propice à l’équipement réserve encore des surprises car l’équipe n’ira pas au bout des différentes possibilités s’offrant à elle. Au départ de la salle du Mont Blanc (salle large, à plusieurs niveaux, plusieurs plafonds équipés), une boucle est possible par le Réseau des Tullinois (pour revenir au P30, elle nécessite de prévoir 2x30 m). L’observation de belles curiosités est également envisageable en allant vers la salle Simone. Tous les cordes des plafonds remontant seront utilisées mais aucun n’arriva au bout de son ascension. Vincent tentera la salle Simone mais la sonnerie de la “réveil” stoppera sa progression (photo 8). Célestine posera, quant à elle, à côté de la seconde méduse marquant le début du Réseau des Tullinois afin de fournir une échelle à la photo 9.
Photo 7 : Célestine dans la descente du P4-6 qui permet de descendre dans la salle du Mont Blanc (corde fixe)
Photo 8 : Vue de Vincent sur le reste de l’équipe dans la montée vers la Salle Simone
Photo 9 : Célestine sur la corde qui mène au Réseau des Tullinois
Info du 12/01/25 (source : page facebook de la FFS, post de Florian Piat)- Des maillons inox ont été ”prélevés” sur la chaine qui permet de tirer le dernier rappel sur Réseau des Tullinois (matériel subventionné par le CDS38 et financé par le Club de Spéléo Canyon du Tullins).
Conclusion : une sortie aux Eymards c’est quoi ?
Un petit réseau parfait pour l’initiation, de par sa proximité avec la route, son inexistante marche d’approche, son accessibilité en termes de niveau. Ce fut l’occasion de renouer avec le club qui aura suivi mes débuts. L’ambiance familiale n’y a pas changé. Il fut toujours aussi appréciable de se retrouver avec sa famille adoptive. Bien que sortie effectuée en période hivernale, aucun membre de l’équipage n’aura ressenti le froid malgré une légère humidité présente. Ok aux Eymards ce n’est pas toujours le cas (voir le compte rendu du 09/01/25 du CSCT pour qui le niveau d’humidité était plus marqué). Les Eymards c’est bien plus d’une grotte d’initiation. C’est une grotte qui réserve bien des surprises (qu’il reste à découvrir) comme la fameuse Salle Simone mais aussi par la présence de la Salle oubliée (dont je ne connais pas à ce jour la localisation) ainsi que la présence d’un syphon. Notre sortie se terminera dans la joie et la bonne humeur, par un retour sur le même fil rouge que celui de l’aller. Un grand merci à l’équipe qui sera parfaitement coordonnée pour le déséquipement du P30 (Vincent + Florian) (photo 10), du R6 (Célestine) tandis que David se la coulera douce dehors avec William (à la recherche des madeleines au chocolat) et qu’Antoine s’amusera à escalader le P8 pour remonter histoire de pimenter la sortie.
Que dire de ce 18/01/2025 ? Un grand beau soleil à la sortie du trou, un ciel bleu mais un repas à l’ombre pour l’équipe, le soleil s’étend déjà caché de l’autre côté de la falaise, côté Autrans. Seuls les crêtes s’étendant du Moucherotte au Cornafion nous relèverons des lumières diffuses. A quand le gouffre d’Enfer pour sortir côté soleil ? Nos corps seront tout de même récompensés par un ravitaillement de chocolats fournis par Vincent & William avant de nous serrer à 4 à l’arrière d’un bolide motorisé (pour toujours plus de proximité). L’équipe Viennoise me déposera au rond-point du caviste de Lans (si vous craignez d’être à sec, n’ayez plus de craintes) avant de reprendre la route par les Terres Froides. A quand la prochaine sortie dans le Vercors ? J’ai ouïe dire que certains pensez au camp Berger cet été.... Affaire à suivre.
Pour ceux qui trouvent que la topo actuelle n’est pas représentative de ce qu’il s’y trame vraiment : méduse, salle du Mont Blanc, salle Simone, Réseau des Tullinois... la nouvelle topo doit sortir dans le prochain Scialet, encore un peu de patience! En attendant, il faut le voir pour le croire!!
Photo 10: Méditation de Florian au pied du P30, pré-déséquipement
Par Célestine Desoeurbrun














